Archives historiques de la région de Bienne, du Seeland et du Jura bernois

Le canal transhelvétique

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Il y a 350 ans le canal d’Entreroches aurait dû relier le lac de Neuchâtel au Léman à travers l’étroite cluse d’Entreroches et former ainsi une voie navigable ininterrompue. Les travaux commencèrent en 1638 et s’arrêtèrent en 1648. Le canal d’Entreroches ne fut jamais terminé. En 1908, un article de la constitution fut ajouté, imposant de prendre en compte le transport par voie fluviale lors de la construction de centrales hydroélectriques. L’Association Suisse pour la Navigation du Rhône au Rhin, qui avait pour but de rendre navigable tous les cours d’eau possibles, fut fondée en 1910. En 1957, – c'est-à-dire durant la phase de planification de la deuxième correction des eaux du Jura – une commission de Conseillers nationaux déposa un postulat réclamant la vérification de la navigabilité de l’Aar et des lacs jurassiens ainsi que la mise en place d’une liaison entre le lac de Neuchâtel et le lac Léman. Peu après, les gouvernements suisse et allemand décidèrent la création d’une commission chargée de préparer un projet commun pour rendre la partie supérieure du Rhin navigable.

Avant même que cette commission ne rende ses conclusions, une agence publicitaire fit la promotion du «canal transhelvétique». Le tronçon de l’Aar entre le lac de Bienne et jusqu’à son embouchure dans le Rhin devait être divisée en 14 étapes qu’il faudrait aménager pour permettre le transport par voie fluviale. Cette action était commanditée par la Transhelvetica SA. Les activités des partisans d’un transport de marchandises à travers toute la Suisse conduisirent à la fondation de l’«interkantonalen Abeitsgemeinschaft zum Schutze der Aare» (ASA, groupe de travail intercantonal pour la protection de l’Aar) qui visait précisément à empêcher ce projet et d’autres du même type.

L’association suisse pour l’aménagement des eaux eut beau déclarer peu après que l’aménagement de l’Aar était impossible à réaliser, l’option du «canal du Rhône au Rhin» resta sur l’agenda politique. L’ASA était soutenue par le Rheinaubund et la société des amis du lac de Bienne. En 1970, 33 associations fondèrent Aqua viva, la communauté nationale d’action pour la protection des cours d’eau et des lacs. Le Conseil Fédéral restait ambivalent. Il se montra incapable de prendre une décision concernant le maintien de la navigabilité des fleuves pour permettre le transport de marchandises. Jusqu’à aujourd’hui il n’existe aucune loi réglementant la navigation fluviale, seulement un décret datant de 1993 qui n’évoque pas le canal transhelvétique. Mais en 2006, les parlementaires du canton de Vaud libérèrent les terres initialement prévues pour le canal transhelvétique.

Incontestablement, les habitants du Seeland sont aujourd’hui heureux que ce projet monstrueux n’ait pas vu le jour. Le paysage en aurait été modifié d’une façon qu’il est difficile d'imaginer aujourd’hui. Selon les craintes des opposants, l’Aar n’aurait plus été qu’un chenal dégradé et la construction d’écluses gigantesques aurait été nécessaire pour permettre aux innombrables cargos de surmonter les différences de niveaux. La transformation des rives de l’Aar et des lacs en un paysage industriel aurait été difficile à freiner. Il faut cependant mentionner ici que depuis cette époque, le transport de marchandises a explosé en Suisse. Il se fait par route, ce qui a aussi modifié profondément certains paysages helvétiques, et causé des dégâts irrémédiables à l’environnement.



Auteur: Matthias Nast / Source: Diverses 2010
Format: 2008-01-11 00:00:00