Archives historiques de la région de Bienne, du Seeland et du Jura bernois

Georg Friedrich Heilmann

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Origines et formation
Georg Friedrich Heilmann était le fils unique du riche imprimeur et ancien Contrôleur au service du Prince-évêque, Niklaus Heilmann, baron de Rondchâtel, et d’Elise Bourquin, de Sonceboz. Il naquit le 5 janvier 1785. Son père transmit au fils, qui avait perdu sa mère très tôt, en 1789, une éducation excellente. Après que Georg Friedrich ait bénéficié tout d’abord dans la demeure paternelle de premiers enseignements déterminants, il entreprit plusieurs grands voyages, sous l’accompagnement hautement intéressant de son précepteur, Johann Rudolf Wyss, en Allemagne, pour compléter son éducation. De 1804 à 1807, aux universités de Halle et d’Heidelberg, il étudia le droit, l’administration des finances et, en plus, parallèlement, des disciplines des Sciences naturelles et de la Littérature. De retour à Bienne, il fréquenta l’Institut Fellenberg à Hofwyl et ne négligea pas non plus l’agriculture, ce qui est compréhensible en regard du domaine rural bien étendu, de son père, sur Rondchâtel et sur Port.

Le rapport d’Heilmann avec la France
Le 31 août 1813, il se mariait avec Anna Elisabeth Haas, la fille du grand huissier Friedrich Haas, de Bienne, dont le frère, Johann Jakob, avait acquis la charge de banneret et en même temps de chirurgien de la cité. Par son mariage, il échappa à la destinée menaçante de la conscription, selon laquelle l’ensemble des jeunes gens biennois, célibataires et pouvant porter les armes, étaient contraints de suivre les drapeaux napoléonniens. Bien que le maire Sigmund Wildermeth comptait parmi ses adversaires personnels, Georg Friedrich Heilmann fut appelé à agir dans la vie publique de remarquable manière. Pour cela, sa position indépendante, son talent et sa formation comme aucun autre, lui permirent, dans cette période si agitée et aux situations critiques, de représenter avec honneur la ville de ses pères vers l’extérieur.

L’engagement d’Heilmann dans la période la plus difficile
Vers la fin de la domination française, la ville de Bienne était à bien des égards, ruinée. Cependant, l’entrée des Alliés dans la ville agrandit encore l’ampleur du malheur de cette pauvre cité. Les armées de ces Alliés qui la traversèrent, appelés Impériaux, apportèrent avec eux une épidémie qui fit quantité de victimes dans la petite ville. De plus, ils traitèrent la ville de BIenne comme un pays ennemi. Ils pratiquèrent des réquisitions que la cité, appauvrie déjà, ne pouvait plus supporter. C’est dans cette détresse qu’une députation, à laquelle appartint Georg Friedrich Heilmann, fut envoyée à Vesoul, au Quartier général des Alliés, auprès du Prince Karl Philipp von Schwarzenberg, afin de mettre au courant le chef de l’Etat-major de la position de Bienne dans le passé: c’est à dire d’un lieu tourné vers la Confédération Helvétique. Cette mission fut un succès: les délégués revinrent avec la proclamation du Prince von Schwarzenberg du 12 janvier 1814, selon laquelle Bienne était à traiter non pas comme faisant partie du territoire français, mais au contraire comme appartenant à la Suisse pays neutre. Ce document épargna à la ville de Bienne au moins un demi-million de francs de taxes de guerre. Quelques jours plus tard, Heilmann faisait un voyage jusqu’à Bâle, avec le Conseiller Daxelhofer, pour obtenir des monarques Alliés la confirmation de la Proclamation de Schwarzenberg. C’est de nouveau avec succès que cette députation réussit ses tractations. A cette occasion, les Biennois furent reçus par l’Empereur François d’Autriche, qui leur déclara, dans le vrai parler viennois : « Vous êtes justement des Suisses, vous les Biennois, et Suisses vous devez rester. »

Bienne et son avenir – un canton indépendant ?
A la fin d’avril 1814, Heilmann prit part à la Diète de Zürich, pour bien se rendre compte que Bienne sera reprise dans la Confédération. Du reste, sur cette question, il régnait à Bienne une grande désunion ! Un parti, conduit par le conseiller Daxelhofer, quelqu’un de méritant, et soutenu par l’intendant Sigmund Wildermeth, aspirait à l’union avec Berne, tandis que les autres, emmenés par Heilmann, s’activaient à la formation d’un canton indépendant, avec Bienne comme chef-lieu. Le nouveau canton devant englober les régions protestantes de l’Ancien Evêché. Finalement, le nouveau gouverneur général pour le Jura, le baron d’Andlau, essaya de former de grandes parties de l’Ancien Evêché en un canton marqué par le catholicisme. Dans cette situation, le Conseil de Bienne et sa bourgeoisie décidèrent de nommer un délégué particulier pour le Congrès concernant l’Europe, qui allait se réunir à Vienne. On savait cependant que les délégués de la Confédération avaient pour instructions d’y prendre position en faveur de l’indépendance de Bienne, pays allié de l’Ancienne Confédération Helvétique dans le passé. Malgré cela, les Biennois croyaient que leurs intérêts soient suffisamment représentés par leur propre délégué.

Heilmann en tant que délégué au Congrès de Vienne
Le 4 octobre 1814, à la Mairie, devant la Bourgeoisie rassemblée, fut lue l’instruction concernant le représentant de la cité qui devait être envoyé à Vienne. Georg Friedrich Heilmann, désigné alors pour en être le Délégué, reçut l’instruction selon laquelle il fallait empêcher que Bienne soit incorporée au canton de Porrentruy, planifié par le Gouverneur d’Andlau. Au lieu de cela, la ville devait être réunie à la Suisse, en tant que membre libre et indépendant. Le 6 octobre 1814, Heilmann partait pour ce voyage au départ de Bienne, et après avoir voyagé durant 10 jours, il touchait enfin Vienne. Seulement, très vite, il prit conscience que son objectif de conserver pour Bienne la fonction de chef-lieu de son propre canton, même en étant de petite taille, n’aurait pas d’espoir d’être réalisé. Le rattachement à Berne, pour les différents représentants d’intérêts déterminants, était affaire déjà acquise. Malgré ces perspectives défavorables pour la souveraineté de Bienne, Georg Friedrich Heilmann ne s’épargna aucun effort, ne laissant aucune possibilité sans l’essayer. Quand un délégué envoyé par Berne essaya de le gagner, grâce à des avantages personnels, à la cause du rattachement avec la ville des bords de l’Aare, il refusa, prononçant les paroles suivantes : « Lorsqu’il s’agit du bien de ma patrie, ne se manifeste en moi aucun intérêt personnel. La patrie réclame que je défende ses droits aussi longtemps que possible ; de surcroit, mon honneur et mes sentiments me commandent de me tenir à mes instructions.» Après que l’incorporation au canton de Berne ait été décidée par le Congrès, Heilmann s’efforça d’obtenir des conditions avantageuses dans le cadre de l’unification. A son retour, c’est triomphalement qu’il fut reçu par ses concitoyens. Il avait pu empêcher que Bienne soit adjugée à un Jura, canton catholique ou au canton de Neuchâtel.

… et personnage-clé dans le processus d’unification
C’est par Zurich, canton directeur de la Diète, qu’Heilmann fut nommé commissaire devant conduire les négociations accompagnant l’annexion à Berne. Dans cette fonction, il réussit à assurer à Bienne d’importantes prérogatives et des avantages financiers, qui figureront dans le contrat d’annexion, que Berne, plus tard, devait racheter au prix fort, par exemple l’impôt dit « Ohmgeld » et les douanes. Toutefois, Heilmann ne réussit pas à faire de Bienne le chef-lieu de son propre district administratif. La ville fut attribuée au district principal de Nidau, à l’intérieur duquel elle demeurera jusqu’en 1832.

D’autres engagements d’Heilmann en faveur de Bienne
Même après la réunification avec le canton de Berne, Heilmann mit ses forces et compétences en faveur de sa ville natale. Il occupa par exemple plusieurs fonctions officielles – devenant, en 1816, préfet de district et juge, ainsi que membre (jusqu’en 1829) du Grand Conseil bernois. La protection de la cîté devant les inondations fut aussi une affaire d’importance pour Heilmann. En 1820, il mettait au point un plan, qui devait faire s’écouler la Suze, non plus dans le lac, mais dans l’Aar, près de Staad, Dans ce but, il fallait élargir le lit du cours d’eau Leuggenen, dans la zone marécageuse de Perles (Pieterlen). Peu après, avec le percement du canal de la Suze, c’est une autre solution qui trouvait réalisation. Avec pour but d’encourager l’économie biennoise, Heilmann devenait, en 1820, co-fondateur de la Caisse d’ Epargne de Bienne. Les années qui suivirent le virent s’engager aussi pour l’embellissement de la cîté. Il agit aussi avec d’autres pour la création d’une allée qui, en passant le long de l’ancienne rive du lac, conduisait du Pasquart jusqu’au Débarcadère (Ländte). En 1828, il prit l’initiative d’un pavillon en forme de temple, le Pavillon «Felseck», sur le coteau du Jura, dominant le lac; qui devint bientôt un rendez-vous de la jeunesse. Heilmann soutint aussi diverses manifestations patriotiques : menant, en 1826, une collecte organisée en faveur des luttes de libération du peuple grec; en 1827 se trouvant à la tête de la jeunesses biennoise résistante, au concours de tir libre, à Bâle. Et, le 10 juin 1828, le Conseil de la ville de Bienne l’honora, en lui remettant une clé en argent, réalisée en style Empire, avec les paroles de dédicace suivantes: « La ville de Bienne à son concitoyen Georg Friedrich Heilmann, comme symbole de sa reconnaissance pour les services rendus, particulièrement durant les années 1814 et 1815.».

Heilmann au service du Royaume des Deux-Siciles
La carrière militaire d’Heilmann commença déjà sous l’Empire. Il servit dans la Garde d’honneur impériale de la ville de Bienne entre le 10 septembre 1806 et le 1er mai 1816, d’abord comme premier-lieutenant, à partir de 1813 comme capitaine. Et au service armé confédéral, il devint major en 1824; peu après, il fut promu colonel. Lorsque le régiment bernois de Wyttenbach fut alors envoyé à Naples, Heilmann se décida, en 1829, à entrer au service du Royaume des Deux-Siciles, comme capitaine, et de laisser toute sa famille à Bienne. Une décision qui tombait aussi en lien avec ce fait, que le prince-héritier Ferdinand de Naples avait étudié, tout comme Heilmann, à l’Institut de Fellenberg, à Hofwil. Heilmann était accompagné de son ami d’enfance, G. Scholl. Comme le service en armes d’un capitaine, avait une durée de 15 ans et tombait en période de paix, il s’obligea à s’intéresser aux arts et aux sciences. Il écrivit des romans, rédigea des rapports de voyages et fut nommé, par les officiers bernois, Directeur d’une collection d’antiquités romaines et étrusques. La plus grande partie de ces précieux vases compléta plus tard les collections du Musée Historique de Berne, sous le nom de «Collection Nola», et quelques-uns parvinrent jusqu’au Musée Schwab. Il consacra beaucoup d’heures aussi au dessin et à la peinture, à des arts donc, qu’il avait acquis surtout par lui-même. C’est un véritable chef-d’œuvre qu’il réalisa, avec la création d’un vaste paysage campagnard de la région de Naples. Le «Panorama di Napoli e suoi dintorni, desegnato del Castel St. Elmo da G.F. Heilmann de Rondchâtel» obtint plusieurs distinctions de la part du roi Ferdinand II et de la Reine-mère.

Le retour d’Heilmann en politique
Après son retour dans sa cîté natale, Heilmann trouva alors des rapports politiques bien changés. Une nouvelle génération de politiciens à la pensée avant tout radicale aspirait à un renouveau très proche, et fondamental, de la Confédération. C’est dans cette ambiance qu’il se rapprocha des conservateurs groupés autour du préfet Eduard Blösch. Et, de 1848 à 1850, il fut de nouveau membre du Grand Conseil. Heilmann s’engagea à nouveau, et sous bien des aspects, en faveur de la ville de Bienne. Il collabora en 1846 à des projets routiers qui devaient créer de meilleures conditions pour le trafic, comme par exemple entre Bienne et Soleure. Deux exemples montrèrent alors son patriotisme infatigable: c’est lui qui, en 1852, conduisit, à Bienne, la collecte devant permettre l’amortissement des dettes issues de la guerre du Sonderbund; et en 1857, il prenait part au comité qui, à Bienne, appelait à la mise sur pied d’un corps-franc, suite au traité avec Neuchâtel.

Heilmann sur sa fin de vie
A la fin des années 1850, Heilmann se retira toujours plus vers sa vie privée, pour des raisons de santé. Malheureusement, sa fin de vie fut assombrie par le décès de son fils et de ses trois filles. Le 24 juillet 1862, Heilmann décédait ; il était le dernier représentant de la branche suisse de sa lignée. Son épouse, Madame Heilmann-Haas, décédait durant l’année 1875, à un grand âge.

Texte d’après E. Bähler, « Biel vor 100 Jahren » (Bienne, il y a un siècle, Andres et Kradolfer, Bienne, 1916) Complèté par les sources suivantes : https://de.wikipedia.org/Georg_Friedrich_Heilmann Zeugin E. « Wie die Nola-Sammlung nach Bern kam » (Comment la Collection Nola parvint à Berne) Zürcher C. (2011), Heilmann, Georg Friedrich, in: www.hls-dhs-dss.ch, téléchargé le 13.07.2015


Auteur: Christoph Lörtscher / Source: Diverses 2015